Par delà l’horizon : à l’aube d’une ère candide
Chapitre 1 : Prémices
« Regardes Miya ! On y arrive, dit Milizé, en pointant du doigt le camp que l’on pouvait apercevoir.
— Ce n’est pas trop tôt. Ils ne sont pas si évidents à trouver. »
Les deux femmes marchent l’une derrière l’autre sur le sable fin. On peut entendre le doux bruit des vagues venant tutoyer leurs pieds. C’est une belle journée ensoleillée, sans un nuage à l’horizon, avec une légère brise marine des plus agréable, le temps idéal pour leur expédition.
En tête, Milizé, une jeune femme de vingt-deux ans, portant sur son dos, une fillette de cinq ans, prénommée Léna. Toutes deux arborent deux cornes, caractéristiques de leur race, les lastas. L’enfant dort paisiblement, confortablement emmitouflée dans un pagne noué autour de la taille de sa mère adoptive, lui laissant ainsi les bras libres.
Milizé est coiffée de très longs cheveux blancs tressés, sur lesquels reposent un chapeau dans les tons blancs et bruns avec une finition or, décoré d’une petite perle à son sommet. Elle est vêtue d’un chemisier en tissu finement brodé, blousant sur une jupe courte, assortis à son chapeau. Elle tient dans sa main gauche un bâton magique, orné d’une pierre émettant une lueur bleue. Au poignet gauche, elle porte deux bracelets, l’un en argent, l’autre composé de perles. Une tenue typique pour une magicienne de premier rang comme elle.
Après quelques minutes, elles arrivent aux abords d’un camp où des hommes sont réfugiés. Il se situe dans une crique, surplombée d’une falaise de grès vert, au sommet de laquelle on peut apercevoir un pavillon en bois. Ces hommes de diverses races sont dans une situation très précaire. Ils sont vêtus de haillons et habitent des tentes en piteux état. Ils semblent peu rassurés de voir arriver nos dames, l’inquiétude se lisant dans leurs regards.
« Soyez tranquilles, leur dit Milizé d’une voix douce. Nous venons simplement chercher quelques renseignements, faites comme si nous n’étions pas là. »
Cela n’eut pas pour effet de les rendre beaucoup plus sereins, mais ils reprirent leurs activités, en observant d’un œil craintif nos deux amies.
« Tu crois qu’ils parlent et nous comprennent ? lui demanda Miya.
— Je ne sais pas, mais ce n’est pas notre problème, tant qu’ils nous laissent tranquilles. Je vais faire le tour du camp et examiner le mana environnant.
— OK ! Je vais prélever des échantillons de mon côté. »
Miya commence à recueillir divers matériaux et végétaux au sein du camp. C’est une jeune femme du même âge que son amie. Elle porte un chapeau, ainsi qu’une robe longue comportant des motifs floraux. L’ensemble d’un rouge des plus vifs met en valeur ses longs cheveux blonds, flottants librement dans son dos. On peut apercevoir une queue recouverte d’écailles turquoises brillantes soulevant le bas de sa robe, caractéristique de sa race, les méryms. À sa ceinture, trois baguettes magiques sont rangées. Au poignet gauche, elle arbore deux bracelets semblables à sa comparse. De cette main, elle tient un petit sac en cuir, qui laisse entendre des bruits de verres qui s’entrechoquent. Ce matériel lui servant à stocker les échantillons récoltés.
Pendant ce temps, Milizé marche calmement, en levant son bâton qui se met à briller fortement. Sauf qu’au lieu d’émettre cette lumière bleu violacé, il donne l’impression de l’absorber. Milizé continue sa marche tout en se concentrant.
« Humm, rien de particulier, il fallait se douter que ce ne serait pas aussi simple. Aucun d’eux n’a de mana et celui présent naturellement dans cet environnement est tout ce qu’il y a de plus classique, murmura-t-elle la mine renfrognée. »
Elle continue de marcher en direction de l’océan. Lorsqu’elle arrive au bord de l’eau, elle lève la tête et fixe le ciel quelques secondes.
« Ça sent les ennuis, dit-elle agacée. »
Elle fait demi-tour avant de rejoindre son amie à grandes enjambées.
« Miya~, halète-t-elle en arrivant au camp.
— Oui, j’ai vu, ça s’assombrit dangereusement. Tiens-moi bien, je vais nous ramener à la maison.
— Merci, dit Milizé en reprenant son souffle.
— Il va falloir reprendre le sport, ma belle, tu sembles être à bout, lui répond Miya un petit sourire en coin.
— Eh ! Tu peux parler… Elle arrive cette téléportation sinon ?
— Oui cheffe ! »
Miya sort l’une de ses baguettes et commence à entonner une formule. Après quelques secondes, un léger voile blanc les enveloppe avant de les faire disparaître petit à petit.
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Dans le même temps, non loin de là, dans le pavillon surplombant la crique…
« Dépêches-toi, Auriane ! Elles peuvent arriver d’une minute à l’autre !
— Je sais Liana, je fais au mieux ! Va préparer les chevaux. »
Liana sort de la pièce, pendant qu’Auriane continue de fouiller ses meubles.
La pièce est grande, mais dans un bazar monstre. Un imposant bureau et son fauteuil de cuir, surplombés d’une peinture représentant un coucher de soleil en bord de mer, font face à la porte. D’un côté, se situent deux petites tables rondes, sur lesquelles un nombre incalculable d’instruments de médecine sont disposés en vrac. Au centre, un vieux canapé et une table basse avec des documents éparpillés. De l’autre côté, se trouve une grande bibliothèque pleine de livres, accolée à une imposante armoire.
Dans celle-ci, Auriane récupère divers instruments de médecine, qu’elle prend le temps de ranger soigneusement dans une pochette de cuir abîmée. Puis, elle cherche consciencieusement dans la bibliothèque, avant de trouver un lot de petits carnets qu’elle s’empresse d’attraper.
« Parfait ! Ils sont ici. Il est temps de mettre les voiles, se dit-elle angoissée. »
Elle glisse le tout sous sa grande veste noire, qui s’accorde très bien avec ses longs cheveux tout aussi sombres. Elle laisse apercevoir une chemise blanche, rentrée dans un pantalon noir, épousant parfaitement la forme de ses grandes jambes. Une paire de bottes noires le recouvrant jusqu’aux genoux.
Elle sort de son bureau et traverse à toute allure ce qui semble être un salon, avant d’arriver dehors. Liana l’attend, déjà à cheval. C’est une brune avec une coupe au carrée, vêtue d’une courte veste en cuir, d’un pantalon bleu marine large et de petites chaussures de même couleur.
Les deux chevaux sont d’un noir ébène et chargés plutôt légèrement. Auriane enfourche celui dépourvu de cavalière.
« C’est bon Liana, j’ai pu garder l’essentiel. En route pour Në-Nalra ! Lance sèchement Auriane. »
Elles prennent toutes deux la route au galop, en direction de l’Ouest, où se situe la grande ville de Në-Nalra.
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Peu de temps après, au-dessus des nuages qui s’amassent, dans un petit aéronef survolant la crique…
« Tu ne l’a pas assez chargé encore ? Tu vas voir qu’elles auront le temps de se tirer avec tes âneries.
— La ferme ! Je n’ai pas d’ordre à recevoir de ta part ! Plus c’est gros, plus c’est bon !
— Tu abuses, qu’est-ce que j’ai fait pour qu’on me colle en duo avec toi ?
— Ouvre tes yeux et sois émerveillée ! »
La femme, qui était assise sur la rambarde, se relève et jette, en contrebas, l’immense tige d’acier qu’elle tenait à deux mains. Celle-ci transperce avec force la villa, ce qui la détruit partiellement. La sorcière commence alors à incanter son sort.
« Ô dieu du tonnerre ! Écoute mes paroles, donne à mes mots la force de vaincre avec ta colère ! Sois impitoyable face aux manants défiants ton autorité ! Hurle de rage et réduis en poussière les mortels ! Donne ton juste jugement ! BIM, BAM, POUF ! »
Les nuages sombres, qui s’étaient réunis autour de l’aéronef, disparaissent dans un grand éclat blanc. Un grondement sourd retentit et un éclair géant déchire le ciel en deux, avant de s’abattre avec fracas sur la tige d’acier dressée.
« Bim, bam, pouf ? Tes formules sont aussi louches que ta sale tête.
— ADMIRE ! AHAHAHAH ! Crie-t-elle à plein poumon. »
De cette tige d’acier jaillit des arcs électriques, détruisant tout sur leur passage. Un pan entier de la falaise s’effondre sur la crique, emportant la villa. La foudre continue de frapper, terminant de brûler vif ceux qui avaient échappé à l’éboulement.
« Waouh ! Comment je les ai bien défoncés tous ces sacs à merde !
— C’est que tu as un langage particulièrement raffiné en plus de ça !
— Je t’emmerde ! Amène-nous-en bas que l’on puisse confirmer leur mort. »
La pilote entame la manœuvre pour atterrir sur la plage. En débarquant, une odeur nauséabonde de chair calcinée se fait sentir, l’air est sec et brûle la gorge à chaque respiration.
« Alors ?! Je les ai crevées ?!
— Deux minutes, laisse-moi le temps d’analyser le foutoir que tu viens de mettre. »
La femme lance quelques lames tout autour de la zone sinistrée, en formant un cercle. Elle escalade quelques rochers et s’assoit au centre, avant de fermer les yeux et réciter à voix basse la formule. Après quelques secondes d’attente, elle rend son verdict.
« Comme je m’y attendais, t’as bien foiré ton coup. Il n’y a que des hommes qui sont morts ici, elles ont eu le temps de se tailler.
— Ahah, pas grave, cela ne fait que prolonger le plaisir de la chasse !
— T’es bête ou tu le fais exprès ? Si elles ont pris la direction de la ville, c’est foutu pour nous. On ferait mieux de rentrer, on manque d’infos dans l’immédiat.
— Oh ça va, ne fais pas ta coincée. Sans ça, il aurait fallu que je me défoule sur ton joli minois.
— Essaie un peu pour voir… Allez, on remonte. On a perdu assez de temps ici, direction la base.
— OK ! Répond-elle, enjouée.
— Je te préviens, c’est toi qui devras expliquer l’échec de la mission.
— T’inquiète, elle m’a à la bonne. On aura aucune sanction, respire donc un peu.
— Ça fait quinze minutes que je suis en apnée par ta faute.
— Ahah, mes excuses, chère demoiselle, renchérit-elle l’air moqueur. »
Les deux femmes remontent dans l’aéronef qui prend son envol vers l’Est, au-delà de l’océan.